Olivier Chastel, tout récemment nommé Secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, vient de vivre son «baptême du feu» diplomatique en participant en Slovénie, et plus particulièrement au Centre de congrès de Brdo pri Kranju, à sa première réunion informelle des Ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne.
Au programme : le processus de paix au Moyen-Orient et la position du Liban, de la Syrie et de l’Iran, la question des relations UE-Russie, la situation dans les Balkans et aussi le problème du respect des Droits de l’Homme au Tibet par la Chine avec l’inévitable corollaire de l’éventualité de sanctionner ce grand pays en boycottant, par exemple, les prochains Jeux Olympiques.
Olivier Chastel, qui remplaçait le Ministre belge des Affaires étrangères Karel De Gucht à Brdo, où la réunion était organisée par la Présidence slovène de l’UE, s’est dit un peu déçu de la mollesse de l’attitude européenne au cours de cette réunion.
«Si l’on a finalement pu avoir une discussion complète sur le sujet et adopter un texte, c’est grâce à Bernard Kouchner, le Ministre français des Affaires étrangères. On peut effectivement se montrer un peu déçu de la manière dont le sujet a été traité, mais ce qui était important, c’était de s’entendre sur une position unanime, de réaffirmer à vingt-sept notre volonté de défendre les Droits de l’Homme et de continuer à nous montrer attentifs à ce qu’il se passe au Tibet,» a déclaré Olivier Chastel dans une interview à La Libre Belgique.
Olivier Chastel a confié au quotidien son expérience de cette joute de realpolitik :
«Je suis personnellement déçu, peut-être naïvement déçu. On part avec plein d’ambitions et de rêves… La première version du texte, rédigée par Bernard Kouchner, faisait référence aux Jeux Olympiques, non pas en parlant de boycott, mais en disant que les vingt-sept restaient politiquement attentifs à ce qu’il se passe en Chine dans le contexte des Jeux Oympiques. Cela laissait planer un doute pendant plusieurs mois. J’étais favorable à cette version, mais tant ceux qui, comme la Pologne, comptaient boycotter la cérémonie d’ouverture des JO, que les autres, ne voulaient pas mêler le sport aux aspects politiques de défense des Droits de l’Homme, et l’on a dû enlever cette référence aux Jeux. Kouchner m’a dit que si je rouvrais le débat, on risquait de sortir sans texte, ce qui aurait été une catastrophe, parce que tout le monde attendait une position européenne sur le Tibet. Une fois vidé de sa substance olympique, le projet de texte était un peu neutre et, sur proposition britannique, nous y avons introduit le fait que la Chine avait toujours dit qu’elle ouvrirait des débats avec le Dalaï Lama s’il renonçait à tout acte de violence et à l’indépendance du Tibet. Or, il l’a réitéré publiquement. En fonction de cette position, l’un d’entre nous – j’ai plaidé pour que ce soit (le Haut représentant de la politique étrangère) Javier Solana – pourra discuter avec les parties, recevoir le Dalaï Lama et aller voir les Chinois en parlant d’une seule voix.»
Et d’ajouter :
«J’ai dû me rendre à l’évidence : c’était cela ou rien. L’unanimité des vingt-sept ne pouvait aller que jusqu’à ce plus petit dénominateur commun. On peut se sentir frustré. J’étais parti avec une ambition peut-être démesurée : pourquoi ne pas imaginer que les vingt-sept s’engagent à réfléchir dans les mois qui viennent à une attitude commune de présence politique de nos dirigeants aux cérémonies protocolaires des Jeux ? Mais j’ai tout de suite senti que ce n’était pas du ressort des ministres des Affaires Etrangères. Ce sera une décision de chacun et au plus haut niveau.»
Rappelons que les réunions informelles, dites de «Gymnich» comme celle à laquelle Olivier Chastel a participé à Brdo, n’existent pas pour prendre des décisions.
Elles tiennent leur nom du Schloss Gymnich, le château allemand de Rhénanie du Nord-Westphalie où se tint, en 1974, la première de ces rencontres. Les «Gymnich» permettent aux chefs des diplomaties européennes de s’entretenir librement et informellement des grands sujets d’actualité.
En raison de leur caractère informel, ces rencontres des membres du «Conseil Affaires générales et Relations extérieures» de l’UE ne prennent aucune décision ou déclaration officielle mais elles n’en permettent pas moins de souvent ouvrir la voie à des positions communes de l’Union.
Pour Olivier Chastel, l’expérience valait d’être vécue.
«En matière de formation, c’est sans doute mieux que six mois de formation théorique sur la diplomatie internationale. On se rend compte…que certains grands pays…n’ont pas du tout intérêt à ce qu’on froisse la Chine,» a confié Olivier Chastel à BelRTL.