Demande d’explications de M. Richard Miller
Question
Depuis plusieurs mois, une sécheresse sans précédent sévit dans la Corne de l’Afrique. Selon les chiffres d’organisations telles que la Croix-Rouge ou encore le Consortium 12-12, douze millions de personnes se trouveraient dans une situation de précarité alimentaire. Bien que de nombreuses organisations humanitaires soient sur le terrain afin d’apporter une aide dans leurs domaines de prédilection respectifs, ces ONG manquent de moyens pour pouvoir apporter une aide efficace et complète aux personnes qui en ont besoin.
Entre le moment où j’ai préparé cette question et aujourd’hui, la pluie a fait son retour dans cette région du monde, notamment en Somalie. Cela ne résout toutefois pas les problèmes auxquels les réfugiés sont confrontés. Des centaines de milliers de personnes s’entassent tous les jours dans des camps de réfugiés au Kenya et en Éthiopie. Avec l’arrivée de la pluie, les risques de choléra et de paludisme ainsi que les inondations ne peuvent qu’aggraver la situation. La fin de la sécheresse ne signifie donc pas que nous ne devons plus être attentifs à ces difficultés.
La coopération belge finance certaines de ces organisations. Vous avez signalé le transfert supplémentaire d’un total de 12,05 millions d’euros, dont 9,05 millions destinés aux organisations humanitaires présentes sur le terrain, notamment pour financer la distribution alimentaire et le transport du personnel et de la logistique. À la suite de votre visite le 12 septembre dernier au camp de réfugiés de Dadaab au Kenya, trois millions d’euros supplémentaires ont été débloqués afin de financer les secteurs de santé et de l’éducation au sein de ce camp. Ces douze millions s’ajoutent au budget que la coopération belge fournit annuellement à ces organisations.
Quels sont les critères qui importent dans le choix des ONG humanitaires qui bénéficient des aides allouées par la Belgique ? S’agit-il des bénéficiaires habituels de la coopération belge ?
Afin de nous assurer que l’aide financière débloquée par la Belgique est dépensée utilement, pouvez-vous nous exposer la manière dont les organisations bénéficiaires l’utilisent ? Ces organisations vous font-elles parvenir des comptes détaillés sur la façon dont elles gèrent le financement ?
Craignez-vous un manque de coordination entre les organisations bénéficiaires, créant ainsi un gaspillage de temps et de ressources ?
Etant donné la durée dans laquelle s’inscrit cette crise, considérez-vous que vous pourriez proposer davantage d’aide financière dans les prochains mois à ces organisations, afin que celles-ci puissent apporter une aide à long terme ?
De quelle façon plaidez-vous auprès de la communauté internationale afin que celle-ci reste mobilisée dans la Corne de l’Afrique ? Où se situe la Belgique comparativement aux autres États dans le financement de cette crise ?
Plus généralement, comment s’assurer que l’aide financière offerte par la Belgique puisse agir directement sur les causes de la crise humanitaire ? Comment prévenir la hausse des prix des céréales dans cette région qui, avec la sécheresse, est l’une des causes de la crise alimentaire ?
Réponse
Les ONG susceptibles d’être financées par le gouvernement belge dans le cadre de l’aide humanitaire doivent remplir une série de critères prédéfinis. Elles doivent, par exemple, être reconnues par la DGD conformément à l’arrêté royal du 14 décembre 2005, être reconnues comme éligibles selon des critères internationaux tels que définis par ECHO, le Service d’aide humanitaire de la Commission européenne, disposer d’une capacité financière permettant de soutenir le projet mis en œuvre, démontrer une expérience de terrain de minimum trois ans dans le pays d’intervention afin de justifier d’une bonne connaissance de la réalité locale et se conformer au Code de conduite de la Croix?Rouge, ce qui implique le respect des critères généraux de neutralité, d’intégrité, de transparence, d’efficacité et d’efficience.
Ces critères ont été appliqués dans le cadre des décisions relatives à l’octroi de subsides pour la Corne de l’Afrique. Une exception a toutefois été faite pour l’expérience de terrain. En effet, aucun nombre d’années minimum n’a été imposé vu les difficultés d’accès à la région.
Chaque demande de financement fait l’objet d’une étude approfondie. Par ailleurs, chaque partenaire doit rentrer une série de rapports financiers intermédiaires et finaux concernant l’utilisation de l’aide. Des rapports d’évaluation de l’action et des audits financiers indépendants peuvent également être requis.
Le manque de coordination est toujours un risque dans une crise humanitaire de cette ampleur. C’est pourquoi la Belgique a spécifiquement financé OCHA, le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU, à concurrence de 500 000 euros afin de soutenir l’organisation dans son rôle de coordinateur des différents acteurs humanitaires œuvrant dans la Corne de l’Afrique.
Lors de ma mission dans le camp de réfugiés de Dadaab au Kenya, à la frontière somalienne, j’ai été très impressionné par l’efficacité des mécanismes de coordination mis en place par OCHA entre les différents partenaires.
L’appui de la Belgique devra être réévalué dans les semaines et mois à venir compte tenu de l’évaluation des besoins du terrain, du budget disponible et des autres crises complexes qui nécessitent également une contribution belge. Il est toujours plus facile d’attribuer en fin d’année le solde des budgets disponibles à ce que l’on considère comme étant la crise la plus urgente. En début d’année, on se doit de faire preuve d’une certaine circonspection dans le mesure où l’on ignore ce que réservera l’année.
À chaque fois, la Belgique a été représentée aux rencontres sur la situation dans la Corne de l’Afrique, que ce soit à la FAO, à l’Union africaine ou aux Nations unies. La Belgique est également très active dans le cadre du groupe de travail du Conseil de l’Union en matière humanitaire et alimentaire, notamment sur la question de la Corne de l’Afrique.
Il est difficile de répondre à la question du ranking de la Belgique dans le financement de la crise dans la mesure où, outre le financement de projets spécifiques, la Belgique contribue de manière importante aux fonds flexibles tels que le CERF géré par OCHA, le SFERA de la FAO ou le DREF, de la Croix-Rouge. Pour rappel, ces fonds permettent d’assurer la rapidité d’intervention des organisations humanitaires.
L’aide humanitaire n’a pas pour objectif d’agir sur les causes d’une crise humanitaire mais bien de sauver les vies des populations affectées et d’alléger leur souffrance. Néanmoins, la plupart des acteurs avec lesquels la Belgique travaille veillent à inclure dans leur programme un volet « préparation aux catastrophes ». Il s’agit de stratégies visant à réduire les risques éventuels en cas de nouvelle catastrophe.
Une grande partie de la réponse à la problématique de la hausse des prix des céréales réside dans la mise en place d’instruments ou de règles au niveau mondial.
La coopération belge reconnaît l’importance de cette question et défend par ailleurs l’idée que le développement d’infrastructures locales de stockage de produits alimentaires de base, éventuellement combiné à un système de crédit de type warrantage, permet d’assurer un approvisionnement plus stable et ainsi de limiter la volatilité locale des prix et l’émergence de situations locales de crise. En outre, une économie locale dynamique constitue un tampon face aux fluctuations des prix alimentaires mondiaux.
Comme mentionné ci-dessus, les opérations humanitaires ont vocation à sauver des vies et à alléger les souffrances et agissent donc, a priori, sur le court terme. Les partenaires de la Belgique portent toutefois une attention particulière aux stratégies de réduction des risques éventuels en cas de nouvelles catastrophes. Par ailleurs, la Belgique soutient certains projets de relance agricole de la FAO dont les effets peuvent aller au-delà du court terme.