Si le déficit est en lui-même une question sérieuse, les paramètres qui le déterminent sont assez peu conformes au bon sens économique. Nombreux sont ainsi les experts qui soulignent qu’on ne saurait traiter de la même façon les dépenses résultant des investissements productifs des autres catégories de dépenses. Ainsi les dépenses finançant les prestations des grands services publics, éducation, santé, culture, justice, police, transports…, comme le relève Jacques Fournier dans son ouvrage L’économie des besoins (2013), « sont un élément de la production nationale » qui « contribue puissamment au développement du capital humain du pays et aux infrastructures de développement ». Elles ne peuvent être confondues avec d’autres catégories de dépenses moins productives.
Se pose également la question du budget militaire: la Belgique consent à un effort budgétaire tout à fait honorable par rapport à d’autres États membres soumis comme elle à la règle du déficit des 3 %. Il serait donc équitable de retirer, en tout ou partie, du calcul du déficit cet effort particulier qui contribue substantiellement à la sécurité des autres peuples d’Europe. La rectification du mode de calcul européen du déficit serait en harmonie avec la proposition faite par les membres du PSE au Parlement européen, qui proposent de retirer tous les investissements productifs du calcul des déficits.
Quel est votre point de vue sur la proposition consistant à déduire du calcul des déficits publics non seulement certains investissements productifs mais aussi le budget militaire, éventuellement selon un ratio tenant compte de l’effort propre à la Belgique?
Réponse à la question parlementaire n° 90 (Budget) du 15 octobre 2013 posée par Monsieur Philippe Blanchart (F), Parlementaire
Le déficit public constitue un indicateur important des finances publiques, qui indique dans quelle mesure un pouvoir est à même de couvrir ses dépenses à l’aide de ses recettes. Une bonne gestion de l’Etat doit assurer des finances publiques en équilibre, ce qui implique que les dépenses sont intégralement couvertes par les recettes.
Il est cependant possible qu’en période de basse conjoncture les dépenses soient plus élevées que les recettes. En effet, certaines dépenses sont incompressibles. Pour cette raison, il est important de permettre aux pouvoirs de se trouver en situation de déficit en période de basse conjoncture et de générer des surplus en période de haute conjoncture. Afin de permettre cela, l’Union européenne a consacré une attention accrue au concept de solde structurel au cours des dernières années. En effet le solde structurel est défini à l’aide de l’évolution de la conjoncture. Le solde budgétaire structurel est défini comme le solde budgétaire corrigé en fonction du cycle (à savoir le solde auquel la production se situerait à un niveau (potentiel) normal) dont les mesures one-shot et les autres mesures temporaires sont déduites.
Un autre désavantage du solde public négatif (déficit public) réside dans le fait que la dette du pays (ou de l’entité) augmente, ce qui entraîne des risques sur le plan des taux d’intérêt et par conséquent sur le plan des dépenses en intérêts. Lorsque le taux d’endettement augmente, ceteris paribus la dette deviendra plus coûteuse (taux d’intérêt plus élevé) mais même à taux d’intérêt égal les dépenses en intérêts augmenteront lorsque la dette s’accroît. Le risque est donc double. Pour cette raison, le déficit public reste un indicateur important et on ne peut y déroger sans plus.
Il est toutefois possible de compléter l’analyse du déficit public par une analyse d’investissements productifs et d’autres investissements qui d’un point de vue politique sont prioritaires, comme par exemple des investissements militaires. Il est clair que certaines dépenses publiques qui d’un point de vue politique ont la priorité créent toutes sortes d’effets positifs tandis que d’autres le font dans une moindre mesure. Ainsi on peut s’attendre à ce que des investissements dans un bon réseau routier ou d’autres infrastructures auront un effet positif sur la croissance économique à moyen et à long terme. Une analyse complémentaire peut donc certainement être envisagée. Dans ce contexte, on peut également vérifier quelle est la part qu’occupent les dépenses militaires dans le budget global.
La Belgique ne peut cependant pas définir les normes elle-même, étant donné que ces dernières sont imposées par la législation européenne et qu’elles naissent à la suite de procédures spécifiques. A ce niveau, tous les Etats membres exercent une influence déterminée, mais limitée. La législation est généralement générée via le Parlement européen, mais le Conseil de l’Union européenne et la Commission européenne jouent également un rôle important au niveau de sa genèse. De manière générale, il faut souligner que la Belgique est soumise à la législation des institutions européennes. Ainsi notamment tous les Etats membres utilisent le plan comptable SEC. Un Etat membre individuel n’est pas autorisé à s’en écarter unilatéralement.