Questions jointes de M. Bernard Clerfayt, M. Damien Thiéry, M. Steven Vandeput et M. Georges Gilkinet
Question
Damien Thiéry (FDF): Monsieur le ministre, une économie de 250 millions d’euros avait été inscrite au budget 2012 pour les compétences dites usurpées. Ce même montant a été réinscrit dans le récent accord sur le budget 2013. Il s’agit des compétences qui sont du ressort des Régions et Communautés, mais pour lesquelles le fédéral assume encore les dépenses. Sont notamment regroupées dans ces compétences la politique des grandes villes et la coopération universitaire.
Le 14 mars 2012, en commission des Finances, vous aviez annoncé que les modalités liées au futur financement de ces compétences devaient encore faire l’objet de discussions avec les entités fédérées dans le cadre de la Conférence interministérielle. Votre gouvernement a pris la mauvaise habitude de procéder à des arbitrages budgétaires sans révéler ce qui les fonde. Alors que vous saviez qu’il n’y avait pas d’accord avec les entités fédérées, le gouvernement a déjà réalisé l’économie budgétaire à due concurrence de ce qu’il estime être les compétences usurpées. C’est malheureusement devenu une pratique généralisée au sein de la majorité gouvernementale.
Il nous revient que les Régions, qui préparent de leur côté leur propre budget, ne sont pas disposées à fournir un effort supplémentaire. Le ministre wallon André Antoine a déclaré que « sur ce sujet, il n’y a plus eu de concertation avec le fédéral depuis juillet ».
Le ministre-président flamand Kris Peeters estime que, si le fédéral transfère ces matières aux Régions, les moyens budgétaires doivent suivre. La Région bruxelloise se tait dans toutes les langues, le ministre-président Charles Picqué et le ministre du budget Guy Vanhengel en tête!
Du côté du fédéral, M. Magnette, a déclaré: « Aussi longtemps que les Communautés et Régions n’auront pas donné leur accord pour une reprise des compétences, le gouvernement fédéral continuera à payer. »
Manifestement, nous ne sommes pas sur la même longueur d’ondes. J’ai déjà appelé cela dans certains domaines une « cacophonie au niveau de la majorité gouvernementale ». Je constate qu’elle se répète à plusieurs reprises.
En conséquence, monsieur le ministre, pouvez-vous confirmer qu’en l’absence d’accord sur le transfert de ces compétences, le fédéral continuera à payer, et dans ce cas, avec quel budget? Pouvez-vous m’indiquer le nombre de réunions qui se sont tenues entre le fédéral et les entités fédérées, depuis le début de l’année, par rapport à cette problématique de transfert et ce qui en a résulté? Des contacts ont-ils eu lieu avec des membres des gouvernements wallon et flamand suite à la rencontre du vendredi 7 décembre 2012, et dans l’affirmative, pouvez-vous m’en communiquer le contenu?
Steven Vandeput (N-VA): Un montant de 300 millions d’euros est inscrit au budget 2013 pour les compétences usurpées. Des mesures seront prises au plus tard fin janvier 2013 pour mettre un terme à l’exercice des compétences qui devront être assumées par les Communautés et les Régions.
Quelles sont précisément les compétences concernées? Quels critères sont appliqués pour déterminer quelles compétences seront rejetées? Combien de fois le groupe de travail concerné s’est-il déjà réuni sur cette question? Le calendrier arrêté pourra-t-il être respecté?
Georges Gilkinet (Ecolo-Groen): Monsieur le ministre, pour ma part, je considère que l’usurpation réside dans la qualification des compétences dites « usurpées ». En effet, l’expression est inadéquate. La piste budgétaire du gouvernement fédéral qui consiste à mettre fin à une série de politiques fédérales en prétextant que ces dernières relèvent plutôt de la compétence régionale est inadéquate, à partir du moment où ces compétences ont été exercées de longue date par l’État fédéral sans que cela fasse l’objet de quelconques difficultés institutionnelles ou recours. Soit le gouvernement fédéral décide d’abandonner certaines politiques et il assume cette décision en tant que telle, soit une discussion est organisée avec les entités fédérées, les gouvernements régionaux, en vue de s’accorder sur un transfert de compétences traduit dans une loi spéciale visant à modifier la répartition desdites compétences, comme c’est le cas à l’occasion de la réforme de l’État en cours.
J’ai interrogé le premier ministre sur le sujet, la semaine passée, en commission de l’Intérieur. Il m’a informé que le montant de 300 millions d’euros était ramené à 250 millions d’euros, suite aux reventes des fréquences radio, cette nouvelle affection ayant conduit à une diminution de l’enveloppe.
Force est de constater que le problème de dialogue et de concertation reste entier. En tant que ministre du Budget, confirmez-vous cette diminution de montants? Quelles sont les compétences visées par ces montants? Lesquelles restent-elles dans votre liste de compétences inadéquatement qualifiées d’usurpées? Lesquelles en sortent suite à la diminution de l’enveloppe? Quels critères ont-ils été utilisés pour procéder à ce choix? Et surtout où en sont les discussions avec les entités fédérées. Cette question a-t-elle déjà été mise à l’ordre du jour d’un Comité de concertation? Je crois savoir que non. Quand va-t-on arrêter de jouer à cache-cache? Quand les discussions entre les différents niveaux de pouvoir vont-elles commencer dans le cadre d’un fédéralisme de coopération respectueux et efficace?
Réponse
Monsieur le président, lorsque vous aviez interrogé le premier ministre sur le sujet, il vous avait expliqué que dans le contexte d’assainissement budgétaire indispensable, il fallait prendre un certain nombre de mesures, au-delà de la discipline budgétaire et de la poursuite de l’assainissement. Il vous avait également dit que cet assainissement ne se traduirait pas uniquement par des efforts du gouvernement fédéral et que cette responsabilisation devait être partagée.
Dans un avenir proche, et probablement pour les prochains exercices, il va sans dire que cette responsabilisation partagée, dont la forme et l’ampleur devront être discutées, devra absolument s’opérer. Par rapport à la situation que vit l’ensemble des entités de notre pays, nous pensons que tout le monde devra contribuer à cet effort.
Lors des négociations gouvernementales, nous avions prévu qu’un certain nombre de compétences assumées par le fédéral relevaient plutôt des entités fédérées. C’est ainsi que, cette année encore, un montant de 300 millions a été réservé pour ces compétences usurpées. Même si je n’aime pas ce mot, nous évoquons plutôt des éléments de responsabilisation.
Cet assainissement budgétaire, quelle que soit sa trajectoire, devra faire appel aux efforts de toutes les autorités publiques de notre pays dans l’indispensable dialogue entre l’État fédéral et les entités fédérées. C’est dans cette voie que nous nous inscrirons début 2013.
Les compétences usurpées et les mécanismes de responsabilisation sont et demeurent inscrits dans le budget 2013. Nous respectons les termes de l’accord de gouvernement et poursuivrons les négociations avec les entités fédérées. Nous prendrons le plus rapidement possible des mesures pour biffer les dépenses relatives aux compétences usurpées et les économies ainsi réalisées sont estimées à 300 millions d’euros pour 2013.
En 2012, un certain nombre de réunions et de comités interministériels ont effectivement eu lieu. Des groupes de travail se sont réunis. Dès la moitié de l’année, de nombreuses questions techniques ont été posées par les Régions et Communautés auxquelles est venu s’ajouter un certain nombre de sujets que ces dernières souhaitaient voir aborder dans ce dialogue de responsabilisation. Ces derniers mois ont donc été consacrés à l’analyse de ces questions et sujets par les différents départements concernés.
Comme vous l’aurez constaté, lors du dernier contrôle budgétaire, tout en gardant en mémoire les 250 millions de 2012, nous avons clôturé notre exercice budgétaire 2012 sans tenir compte de ces 250 millions de compétences usurpées.
En 2013, une partie de ces 300 millions se retrouveront dans la vente des licences 800 megahertz. En vertu d’une décision de la Commission européenne, le gouvernement est tenu de mettre des bandes de fréquence à la disposition des services de données mobiles. Le produit de cette vente est estimé à 270 millions d’euros en 2013, dont 50 millions serviront à atteindre l’objectif des 300 millions d’euros.
À ce jour, il n’y a pas eu de contact entre le gouvernement fédéral et les membres des gouvernements wallon et flamand suite à leur rencontre du vendredi 7 décembre 2012 sur la question des compétences usurpées. Cette question n’a d’ailleurs pas encore été mise à l’ordre du jour du Comité de concertation. En matière de compétences usurpées et de responsabilisation, il est évidemment primordial que cette concertation avec les entités fédérées ait lieu de manière volontaire. Des démarches seront donc entreprises dès le début de l’exercice 2013.
Le débat sur les compétences usurpées doit d’ailleurs s’inscrire dans un ensemble plus large de répartition des charges entre l’entité I et l’entité II. C’est la raison pour laquelle un avis a été demandé à la section Besoins de financement du Conseil supérieur des Finances. Cet avis nous sera utile pour la préparation du programme de stabilité d’avril 2013 afin d’objectiver la répartition des efforts budgétaires entre l’entité I et l’entité II. Cette analyse inclura, comme tous les ans, différentes pistes de mise en oeuvre de cette répartition et des différentes hypothèses, tenant compte des transferts prévus dans l’accord institutionnel et de la révision de la loi spéciale de financement. Différents scénarios seront proposés au gouvernement en matière de transfert de charges vers l’entité II. Ce débat, beaucoup plus large que le simple débat des compétences usurpées, nous permettra d’ouvrir une négociation avec les entités fédérées pour que chacun contribue équitablement à l’assainissement des finances publiques.