Le phénomène de la mendicité a connu une recrudescence ces dernières années sur le territoire de notre ville. Il présente en outre de nombreux aspects.
On distingue tout d’abord une mendicité qui s’exerce sur les axes routiers : nous avons tous déjà été interpellés par ce type de mendicité principalement dans les carrefours quand nous sommes arrêtés au feu rouge.
On distingue également une mendicité diffuse qui est le fait de personnes souvent isolées.
On peut également évoquer une mendicité qui se pratique en groupe soit de façon itinérante soit dans un certain nombre de lieux qui depuis quelques années maintenant sont systématiquement occupés par des personnes se livrant à la mendicité avec semble-t’il une certaine organisation interne, en instaurant des « pauses » et en se relayant.
Nos concitoyens connaissent bien ces lieux qui sont affectés à la mendicité depuis quelques années : le pont piétonnier en face de la gare du sud est ainsi devenu au fil du temps un « octroi » comme au Moyen-âge où les villes percevaient un impôt lors de l’entrée sur leur territoire.
Tous ceux qui viennent à CHARLEROI par le chemin de fer sont systématiquement soumis sur ce pont aux demandes exprimées avec plus ou moins d’amabilité, d’un groupe organisé se livrant à la mendicité.
D’autres lieux sont également touchés, je citerai l’Eglise Saint Antoine et la Place Albert Ier, au cœur de la Ville Basse que nous voulons revitaliser mais également la rue de Marcinelle ou encore la place Charles II, les hôpitaux ou les stations de métro et des TEC.
Au delà de l’impact négatif que cette situation provoque pour l’image de notre ville et son attractivité, nos concitoyens expriment depuis longtemps leurs récriminations par rapport à ces situations.
Il est vrai que l’on peut comprendre ces plaintes tant il devient lassant d’être sollicités parfois plusieurs fois par jour.
Les professionnels et singulièrement les commerçants sont également touchés par le phénomène.
Non seulement, je l’ai dit, la mendicité a un impact négatif sur l’attractivité de note ville et donc sur le commerce mais la coexistence entre les personnes se livrant à la mendicité et nos concitoyens qui exercent leur profession dans le centre-ville est parfois difficile et c’est un euphémisme quand on se souvient par exemple de l’agression subie cette année par une commerçante dans la rue de Marcinelle.
Enfin, j’ai également peur que cette situation, qui existe maintenant depuis quelques années et dont rien n’indique qu’elle doive s’estomper, ne renforce le sentiment d’insécurité et ne développe chez nos concitoyens l’idée d’une certaine impuissance de l’autorité publique qui les amène à voter pour des partis antidémocratiques.
Or, force est de constater que nous sommes démunis face à ce phénomène. La mendicité n’est plus une infraction pénale. Seule l’exploitation de la mendicité est aujourd’hui pénalement répréhensible, même si, bien évidemment, quand la mendicité prend la forme d’un trouble manifeste de l’ordre public, nos forces de l’ordre peuvent agir.
En dehors de ces situations, nous ne parvenons pas à réguler le phénomène de la mendicité auquel notre ville, comme tous les grands centres urbains, est confrontée.
Je sais bien entendu que le problème de la mendicité est délicat parce qu’il touche un certain nombre de nos concitoyens qui sont fragilisés.
J’entends déjà les protestations des idéologues qui vont m’accuser de vouloir « purifier » les rues, de vouloir renforcer l’exclusion, de faire la chasse aux pauvres ou de vouloir masquer les problèmes générés par la pauvreté.
Avant même que je n’ai annoncé l’objet de mon interpellation à la presse, certains étaient déjà parvenus à en parler et à inquiéter inutilement des groupes de SDF.
Je tiens à dire clairement que, bien évidemment, je n’ai pas l’intention de remettre en cause les libertés fondamentales et que je considère que nous devons accepter l’expression de la solidarité naturelle et permettre à ceux qui sont dans le besoin d’en appeler à l’aide de leurs concitoyens. Tout aussi évidemment, j’ai la conviction que nous devons avant tout lutter contre la principale cause de la mendicité, c’est à dire la pauvreté et garder à l’esprit que, même si nous avons développé dans notre pays un système de protection sociale qui figure parmi les plus efficaces au monde, la pauvreté reste malheureusement une réalité pour un certain nombre de nos concitoyens.
Je ne préconise donc pas une interdiction complète de la mendicité comme le fait par contre le Président de notre CPAS, Michel WILGAUT, qui pourtant sait plus que beaucoup d’entre nous ce qu’est la pauvreté. Un tel règlement serait d’ailleurs annulé par le Conseil d’Etat comme l’avait été le règlement voté par le Conseil communal de la Ville de Bruxelles.
Monsieur le Bourgmestre, vous avez voulu faire croire hier, à l’occasion de votre conférence de presse, que c’était mon intention en vous basant sur l’intitulé de mon interpellation. Si vraiment vous aviez un doute ou si vous vouliez avoir des explications sur son contenu, vous pouviez interroger nos représentants à la commission de l’ordre du jour qui s’est tenue mardi soir et qui sert justement à cela. Mais vous ne l’avez évidemment pas fait.
Je pense donc qu’il conviendrait de réunir les différents acteurs touchés par cette problématique : les élus, les associations de commerçants et d’habitants, la police, le CPAS et les différents intervenants sociaux mais aussi les représentants des SDF.
J’ai également appris, grâce à votre conférence de presse, Monsieur le Bourgmestre, qu’évidemment, vous y pensiez depuis deux mois. Je m’en réjouis sur le principe mais je regrette évidemment que les groupes démocratiques n’y aient pas été associés. Une telle commission doit comprendre des politiques.
Je constate également avec étonnement que le Président du CPAS n’évoque pas dans ses prises de position l’existence de cette fameuse commission. Plus surprenant encore, quelqu’un comme Monsieur TRIGALET n’y était visiblement pas associé.
Et pour en terminer avec cette commission, je voudrais vous dire que , lorsque vous me soupçonnez publiquement lors de votre conférence de presse, d’avoir, je vous cite, « intercepté un PV de réunion d’une commission de la Ville qui travaille sur le sujet de la mendicité », je pense que vous allez au-delà de ce qui est acceptable dans le débat politique.
Je sais que l’exercice du pouvoir est une épreuve difficile mais je vous trouve un peu trop préoccupé par les « fuites », la présence de « taupes » ou maintenant le détournement de PV de réunions de votre cabinet par un membre de l’opposition démocratique. Méfiez-vous, Monsieur le Bourgmestre, de ces craintes irrationnelles.
Mais revenons à mes propositions. Réunir ou consulter ces différents acteurs permettrait, j’en suis certain, de rapprocher les points de vue et de parvenir à élaborer un règlement communal qui améliorerait les conditions de vie de nos concitoyens, d’attractivité de notre ville tout en sauvegardant les libertés fondamentales et le recours à la solidarité naturelle par la mendicité.
Nous pourrions par exemple nous inspirer de l’exemple liégeois et prévoir d’organiser une rotation de la mendicité entre plusieurs zones définies. Un tel système maintient le droit à pratiquer la mendicité tout en limitant évidemment les nuisances ressenties par les habitants. Ainsi, si le territoire de notre ville était divisé en quatre zones où la mendicité devrait s’exercer alternativement, les désagréments ressentis dans chacune de ces zones seraient divisés par quatre.
Je pense qu’il serait également souhaitable d’interdire complètement la mendicité aux carrefours car elle présente un réel danger pour ceux qui la pratiquent et est particulièrement mal ressentie par nos concitoyens.
Un règlement communal relatif à la mendicité permettrait également de canaliser cette mendicité en évitant par exemple qu’elle puisse s’accomplir en bande ou accompagnée de chiens. Il permettrait aussi d’envisager le problème de la mendicité déguisée qui consiste à prendre prétexte d’offrir un service comme la vente de journaux ou de gadgets pour pratiquer la mendicité.
J’ai, en tous cas, la conviction qu’établir un règlement communal relatif à la mendicité permettrait à notre police locale d’être moins démunie juridiquement face à un phénomène qui a pris, au fil des ans, beaucoup d’importance dans notre ville et conduirait également à réduire les nuisances liées à cette activité et par là même de diminuer le sentiment d’insécurité qui touche beaucoup de nos concitoyens, tout en sauvegardant, j’insiste sur ce point, la liberté de recourir à la mendicité.
Enfin, et c’est essentiel à mes yeux, un règlement permettrait de renforcer l’accompagnement social. On en vient au problème de la sanction. Il est évidemment inimaginable d’assortir un règlement de sanctions. Elles seraient à la fois iniques et inapplicables. Par contre, en permettant d’encadrer le phénomène, un règlement permettrait de s’assurer que les aides sociales existantes sont au moins connues de ceux qui pratiquent la mendicité et d’avoir la certitude qu’ils aient été mis en contact avec nos assistants sociaux, avec les dispositifs du relais social ou qu’ils puissent bénéficier du minimex de rue quand ils ne perçoivent aucune autre allocation. De nouveau, c’est ce qui se pratique à Liège.
J’ai la conviction que dans ce domaine, il faut allier réglementation et humanisme.
C’est tout le sens de mon interpellation.